Les enfants ne sont pas des mini-adultes
- ecolequilibre
- 31 mars
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 mai

Je suis récemment allé avec mon fils de 5 ans à une séance lecture à la bibliothèque et j’ai été profondément irrité par le contenu de la séance, qui était tout bonnement inappropriée pour l’âge des enfants.
Lors de la séance, d’une heure et demie (trop longue pour des enfants si jeunes), qui accueillait une majorité d’enfants de 2 à 5 ans, et quelques-uns de 5 à 8 ans, l’animatrice a en effet mentionné les nazis, l’exclusion raciste des juifs de Bayonne pendant une autre époque, l’histoire d’un enfant envoyé dans un camp de redressement pour redevenir “normal”, le harcèlement scolaire sans plus approfondir le sujet, le système du vote avec l’idée que ceux qui nous gouvernent sont des méchants, et l’exclusion des femmes. L’intention de l’animatrice était clairement de moraliser les jeunes générations pour transmettre ses idées politiques.
L’idée qu’une séance à la bibliothèque ait un fond politique ne me dérange pas en soi. Après tout, les livres véhiculent des idées et des valeurs, de même que des réflexions et des remises en question. Le fait que ces sujets doivent être abordés à un moment de la vie ne m’est pas non plus étrange, mais pour mon fils de 5 ans, qui n’a jamais observé d’exclusion systémique, de système de domination à l’œuvre, de harcèlement dans sa petite école bienveillante, et qui n’a absolument aucune idée des horreurs de l’histoire, parler de tout ça est tout simplement traumatisant. À son âge, il a besoin d’être rassuré que le monde est bon, que les humains autour de lui sont bienveillants, et il a besoin qu’on lui montre de la beauté et des personages à modéliser, pas de la souffrance et du malheur. Les livres des enfants doivent les inviter à la magie au lieu de leur montrer le mauvais côté des complexités de la vie adulte, et surtout lorsque celles-ci ne sont mentionnées que vite fait, juste assez de temps pour faire peur.
Il semble être devenu à la mode de faire de la propagande de ses propres convictions auprès des enfants plutôt que de les enchanter pour les laisser grandir, mûrir, et ainsi approcher la vie adulte à l’adolescence avec un esprit sain, équilibré et bien équipé. À ce rythme, les élèves de CP auront bientôt des leçons sur les guerres mondiales ! Pourtant, la propagande moralisatrice, quel qu’en soit son contenu (l’absence de genre ou l’aspect obligatoire des genres, l’acceptation de tous ou le rejet de certains groupes…), n’obtient qu’une chose : éteindre les cerveaux des sujets.
Si nous voulons transmettre nos convictions politiques, religieuses, morales, etc., commençons par être de bons modèles nous-mêmes. Effectivement, l’animatrice de cette séance à la bibliothèque aurait pu conserver son intention politique en montrant la magie et le positif de ce qu’elle promeut vraiment : lire un conte de fées dans lequel tout le monde accepte tout le monde, où tout est beau, où tout se passe bien et où le problème de l’intrigue est résolu dans la paix et la joie. Car comment aspirer à ce monde-là, si tout ce qu’on nous a présenté dans l’enfance, ce sont des histoires sur la terrible société humaine qui cause tant de malheur et engendre tant d’atrocités ?
Il y a un âge pour tout, et faire les choses au mauvais âge, c’est tout simplement empêcher les gens de se concentrer sur ce qu’ils sont censés faire à cet âge. En l’occurence, alors que les jeunes enfants sont censés s’émerveiller du monde, l’explorer, y faire des expériences, s’y déployer, se l’approprier, des séances lectures comme celle décrite ici leur volent cette opportunité pour les remplir d’idées sombres, raidissantes, et décourageantes.
Baptiste Delvallé
(Article publié le 17 juillet 2024 au Centre Grandir)




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